Dans ma démarche établie de toute récupération, j’aime utiliser des objets d’expériences tel que le cageot. Assigné à une mission nomade et de transhumance ce matériau ramassé sur les marchés et dont personne n’assure sa reconversion est pour moi plus que symbolique de part sa fonction et son devenir* dans cette société qui prends et qui jette ce dont elle n’a plus besoin, alors que l’on parle de recyclage et d’austérité générale dans un système victime non seulement de ses excès mais aussi de sa complexité. Objet dès lors de toute consommation, de rebut et de résidus. Je transforme la pauvreté du matériau, produit sériel et manufacturé en territoire existentiel, en terrain habité où déshumanisé. J’insinue ainsi des espaces privés particularisés, sociologue de mon propre imaginaire et soulevant d’un regard critique une réalité ramenant à la surface l’histoire délaissée et oubliée. Car mes programmes n’ont rien d’innocents questionnant le contexte culturel, économique, social et politique.
J’assigne à mes villas par exemple, une fonction des plus bourgeoisement conformiste, alors que sa poétique en appelle peut-‐être à d’autres destinées plus collectives et généreuses. Il y a dans bon nombre de mes travaux un point de rupture, un basculement inattendu amenant à une situation critique, rappelant l’artifice et le simulacre de cette vérité qui cache le fait qu’il n’y en a peut-être aucune! Une réflexion sur l’architecture et l’écologie mais aussi un regard sur l’utilisation des femmes dans notre système capitaliste et sur notre crise financière actuelle : la délocalisation, la précarité, la crise du logement et les nouveaux pauvres. En résumé, mon travail y va d’un élan vital, généreux et salutaire recréant ainsi à partir de ce déchet urbain, une sociologie du monde. Le cageot, un objet connoté d’une certaine primitivité, contemporaine à la crise commerçante de toutes nos certitudes. Dans un monde où nous sommes bien souvent anesthésiés par toutes sortes de simulations.
En ramassant des cageots, les recyclant je souhaite ainsi dépasser notre aliénation afin de nous reconnecter au monde physique et d’entrevoir la possibilité d’une nouvelle société où l’art et la vie coexisteraient.
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*Tous les cageots non consignés sont alors brûlés !
Femmes d’intérieur